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Menus aérolithes pour s'assoupir en s'apaisant
24 février 2014

L'OMBRE DE NOËL (épisode XV)

Quand elle sort du métro porte de Bagnolet, la neige est revenue à la charge. Elle est bonne fille, tombant avec assez de prodigalité pour que l’étoile filante puisse construire son bonhomme. Et puis elle étrangle les pensées, neige bienveillante, cela aide à respecter la règle de la rue. Les tuer, ses pensées. La comtesse au bonnet russe avance à pas feutrés, elle trouve qu’elle n’avance pas très vite, elle a hâte de cacher ses cadeaux sous sa couverture pour les choyer. Sa tête est lourde, lui donne des coups de fourche. Et voilà, je le savais. Ce sont ces rues maudites, elles m’empoisonnent. Elles m’empoignent. Elle n’avait jamais remarqué que la rue Lepape était si longue, et puis les guirlandes de Noël sont un peu déglinguées aujourd’hui, elles clignotent à toute vitesse, à un rythme bancal, comme si elles avaient trop bu, ou pour lui susurrer qu’il ne reste que quelques heures avant le Réveillon, qu’il faudrait peut-être se dépêcher… Car elle a fini par poser la question à une dame, à la station République. Elle avait trop peur de louper le coche, se doutait qu’à force de fuir comme le loup les journaux, les informations et les calendriers, de compter et recompter sur ses doigts, la mécanique s’enrayerait et lui jouerait de mauvais tours. Bien lui en a pris. La dame l’a regardée fixement, et, désignant ses paquets rebondis, lui a répondu : Mais c’est ce soir, madame. Madame ! J’aurai vraiment tout entendu.

On dirait que l’ombre a encore pâli, on ne discerne plus ses vapeurs mauves de rosée, cette blancheur malingre qui remonte péniblement la rue. La Comtesse de glace est en train de fondre, on aperçoit une petite coulée luisante sur la chaussée, est-ce elle qui s’envole aux quatre vents ? Elle vient de voir passer un renard au nez busqué qui s’ébroue au-dessus d’elle. Ma grimace va me manger, cette fois. Ne restera de moi que ce rictus, à s’égosiller sur la neige muette. Mais où donc est passée l’ombre ? Par terre, le cabas aux carrés troués se fait piétiner par les passants écervelés.

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