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27 mai 2008

J’ÉCRIS TON NOM, MARTINE PERNOLLET

Mardi soir dernier, Christophe Hondelatte jouait à Sherlock Holmes dans l’affaire du jockey Christophe Le Scrill. Une histoire d’amour perdu, de déviation morbide et, bien entendu, d’assassinat digne des Diaboliques. Une ex-femme en goguette. Le corps de l’époux transporté en voiture par l’étrangleuse, en présence de leur fille. À son insu, elle accompagnait son père dans sa dernière demeure sylvestre. Presque délicieusement malsain. Insoutenablement machiavélique. Sanguinaire à souhait.

On ne sait ce qui en nous, en cette délectation à demi avouable, se nourrit de ce récit qui reconstitue la haine peut-être un peu ordinaire. La personne qui, elle aussi, se convainquant du contraire, est potentiellement capable de ce pire-là ? Du même pire ? D’un autre pire pas plus reluisant, peut-être ?

Toujours est-il que la juge qui a instruit l’affaire se nomme Martine Pernollet. Allez savoir pourquoi, je me suis pris d’une passion vorace pour ces consonances… difficile à décrire, cette obsession qui me tient depuis huit jours. J’ai besoin de prononcer ce doux nom plusieurs fois par heure. Quand je suis en compagnie, je me contente de l’ânonner tout bas ou de le scander comme ma liturgie du moment. Quand l’entretien dure trop longtemps, je suis obligée de m’échapper, pour courir m’enfermer aux toilettes et épeler enfin les seize lettres de ma volupté onomastique. En ce patronyme s’abîment toutes mes obscurités. Il absout les ombres. Il me sèvre. Plus besoin de boire ni de fumer, je me drogue à Martine Per-no-ll-et.

À la rondeur lisse de ce nom ni snob, ni ringard pourtant, d’un chic sobre et débonnaire, tellement simple, il faut l’avouer, qu’il frise le kitsch – le kitsch est mon ami ! Est-ce la finale en « et » que je me délecte à prononcer « é » (comme dans Jacques Binet) ? Sont-ce les quatre syllabes qu’on peut distinctement détacher avec des effets de langue, de palais, de claquage et d’aperture ? le début qui donne « pernod », peut-être ? la bouche qui s’arrondit en un globe pour faire « nô » ? sans oublier la langue qui caquette pour faire twister les deux « l » (ah !! le charme tapageur des doubles consonnes ! Berthe vous en parlera mieux que moi…) ??

Je ne sais. Mais ça fait son petit effet. Elles me bercent, ces consonnes melliflues, ces voyelles candides. Je les brandis comme un talisman pour braver le danger. Je les lance à la tête des maudits barons qui obstruent mes journées. Voyez donc. Pas plus tard que ce matin, mon innommable gredin de patron m’a irradié de ses foudres en pleine réunion, pour cause d’apocalypse hebdomadaire (chacun les siennes) : pensez, une véritable tragédie, un livre pas livré à temps à l’imprimeur, une campagne de pub avec une date de lancement rendue caduque… Ténèbres, remontrances et gourdins ont fait orage sur mes frêles épaules. Je lui ai donc adressé, tenez-vous bien, pas moins de deux cent trente quatre Martine Per-no-ll-et sans qu’il y voie goutte. Que du feu. Bien sûr, n’en déplaise à Dolly, Valérie et Cathy auprès desquelles j’ai fait montre aujourd’hui d’une improbable componction, j’ai quand même gratifié la très sérieuse réunion éditoriale du mardi de quelques larmes coupables et d’une estocade de sanglots pétaradants à peine retenus... Mais, vous me croirez si vous voulez, si je n’ai pas explosé, hurlé sur le gourgandin, pleurniché sous les coups bas de l’indécrottable goujat, c’est uniquement grâce à ma bien chère Martine Per-no-ll-et.

Ces sons sont la poupée que les Indiens Mayas glissent sous leur oreiller pour qu’elle capture leurs soucis. Ou comment un nom peut vous sauver la chique... Si on m’avait dit que je plaiderais un jour pour la phonétique…

Mais je vous sens sceptiques…

Essayez juste, pour voir.

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