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Menus aérolithes pour s'assoupir en s'apaisant
17 juin 2009

MES FACÉTIES - Journal d'un mouton mutin, préambule (3/5)

Après des jours de marchandage avec le destin, sous l’orage qui me chuchotait de quitter cette maison sauvage pour revenir à la réalité tangible de la ville, après avoir déboîté chaque objet de chaque pièce de chaque étage, j’empruntai de nouveau l’escalier en colimaçon qui menait au grenier. Je savais bien que les trésors du passé se cachent au faîte des demeures, veillés par les lucarnes, absous des ravages de l’adversité par leur semi-absence mansardée. Le grenier est une pièce intermédiaire, où l’on ne fait que passer, où l’on ne s’attarde pas. Il y fait un peu froid, les ombres y revêtent des formes brusques et coupantes, et l’on sait bien que si l’on y reste seul trop longtemps, on risque fort d’y rencontrer une souris, un fantôme ou je ne sais quel caprice du passé.

 

Un soir de crépuscule, enfin, sortant dans un frisson de ces murs jusque-là demeurés obstinément hermétiques à mon investigation, je butai sur une petite excroissance du plancher. À cet endroit, imperceptible, du jeu se faisait entre deux lattes. Je m’accroupis pour observer de plus près. Je m’aperçus alors que l’on pouvait presque glisser la main à l’intérieur du petit intervalle. Je laissai donc mes doigts fureter entre les deux battants de bois. Pianotant dans le vide, ils opérèrent leur descente à l’aveuglette, au prix de quelques échardes incrédules. Je savais bien que personne, aujourd’hui comme naguère, ne se serait montré assez imprudent pour inventer une cachette si grossière…

 

À l’exact instant où je prononçai tout haut cette réflexion – comme pour conjurer l’imminence d’une découverte que je pressentais inquiétante, et peut-être aussi parce que je ne me sentais jamais complètement rassuré dans cette maison de pleine montagne, surtout depuis que j’y vivais seul après tant de décennies de joyeux babillages, a fortiori dans cette pièce hantée de vieilleries que j’avais toujours su habitée –, juste à ce moment, donc, mon pouce et mon majeur heurtèrent le coin d’une surface cartonnée. Je m’efforçai de vider mes pieds et mes jambes, mes bras et mon ventre de la dernière de mes forces pour les rassembler toutes dans mes maigres doigts : ils allaient faire office de pince. Par deux fois, perdant presque l’équilibre sous cette ruée brusque et localisée de mon sang, je réussis à me saisir du mystérieux objet avant de lâcher prise au dernier moment.

 

La troisième tentative fut la bonne. Le plus délicatement possible, je fis émerger de l’indiscret interstice un petit carnet incroyablement épais que je pris d’abord pour un livre ancien tel que mes tantes en possédaient par centaines. Je le posai devant moi sur le vieux parquet, tout tremblant. Et si j’avais trouvé enfin l’objet de ma quête ? Le graal était-il contenu en ces pages ? Ce n’étaient pourtant pas des lettres. Mais, je le sentais, l’amour astral se tenait sous mes yeux, à portée de main. Je détenais un petit bout du monde. Ne risquait-il pas de s’échapper par la fenêtre, le monde ?

 

Fragile encore sur mes jambes, les mains fourmillant de cette fugace émoustillade, je fis un peu de place autour de moi pour m’installer confortablement. J’allumai une bougie, m’adossai à une pile de journaux anciens, et, du bout des doigts, m’emparai du mystérieux rectangle de papier. De petite taille, mais extraordinairement replet, le carnet arborait une silhouette bien étrange. J’avais l’impression de consulter une très vieille pharmacopée, un recueil solennel aux allures de coffret et d’écrin. Je l’ouvris enfin.

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Commentaires
K
où se trouve la suite ? je veux savoir ce que contient ce mystérieux livret, et si il parle de moi et de mon horreur
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