Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Menus aérolithes pour s'assoupir en s'apaisant
30 juin 2009

MÉTÉO DU SOUS-SOL (lettre VI)

Mes facéties - Journal d'un mouton mutin

Bien le bonjour chez toi, Daron mère-grand,

On m’avait dit que la solitude était mère de toutes les libertés.

On m’avait dit que j’oublierais mes turpitudes dans les souterrains de l’été.

Je croyais que me semer me ferait essaimer.

Je m’imaginais, petit mouton arrosé chaque jour que Marine fait, renaître fièrement en aubergine sexy, reine du marché.

Résultat : je croupis sous la terre, seul avec ma terreur. Les taupes me croquent le cul, et nul n’entend ma complainte. Je n’ai pas poussé d’un centimètre depuis ma plantation. J’ai failli me noyer chaque fois que tata Marinette est venue m’arroser. J’ai peur du noir. Je suis allergique à la terre. Les racines de ces satanés légumes me grattent, et elles prennent toute la place. Je perds du terrain à chaque minute – je vais finir par ne plus exister du tout, j’en ai bien peur. Personne ne me fait de compliment : je peux bien ricaner, je peux bien minauder, aucun spectateur pour se laisser amadouer. Même cette satanée Daronnie commence à me manquer. Sans parler du fait que j’ai manqué hier après-midi mon deuxième cours de calembours-minute à Charleville (c'est volontiers que j’aurais pourtant revu cette grenouille rose qui était assise à côté de mine). L’idée de ne pouvoir faire trotti-trotta pendant trente-six mois me met le moral dans les chaussettes que je n’ai pas…

 Aussi je me demande, Daron ma chère glotte, si je n’ai pas fait la plus belle connerie de ma vie en signant ce contrat de semence pour trois ans. Me voilà, telluriquement, organiquement et métaphoriquement coincé. Je ne peux plus voir une feuille, une tige, un pétale ou un ver de terre en peinture… Je sais que je ne suis pas facile à vivre tous les jours, Daron miracle, mais je te promets que, si tu trouves une solution pour venir me délivrer de ma prison végétale, je t’en serai reconnaissant pour le reste de la semaine, oups ! de ma vie – tu l’auras compris, ma plume a ripé, comme elle en a pris la fâcheuse habitude depuis quelques jours (il est urgent que je sévisse).

Ne t’imagine pas, Daron traquenard, que je sois le moins du monde en train de te supplier. Si tu ne peux pas venir à ma rescousse, je m’en remettrai. Je vivrai ma petite vie rangée dans les tréfonds géologiques du potager de ma tante, et je suis sûr que je trouverai une solution pour décourager les avances de ces fieffées taupes en chaleur – ne va surtout pas croire qu’elles me font peur, Daron saucisse, tout de même, elles sont tellement plus petites que moi (elles sont aussi cent fois plus nombreuses, mais c’est un détail)... Je ne tomberai pas du tout en dépression nerveuse. Il n’y a aucun, absolumine aucun risque que le roucoulement de mes larmes provoque une inondation de niveau 117 sur l’échelle des catastrophes et détrempe à jamais le fruit inestimable des efforts quotidiens de ta sœurette. Ne t’inquiète pas non plus pour les auberthiginades, elles ne seront sans nul risque empoisonnées par les émanations lacrymales de mes très improbables effusions.

Comme tu vois, Daron soporifique, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles… Vis ta vie tranquillement, sans te soucier de ton petit Berthe ni de ses facultés d’adaptation d’exception. Tout ce qui menace d’arriver, sort funeste, cataclysme estival, glissement de terrain, n’occupe dans l’arbre des probabilités qu’un degré d’incidence quasi intangible. Tu peux donc dormir tranquille, Daron crevasse. Tu n’as d’ailleurs nul besoin que je t’y autorise, tu le fais très bien tout seul. Si tu restes sans nouvelle de mes zigues, crois bien que c’est parce que je m’épanouis, telle une gousse au beau bulbe, n'attendant que d’être épluché.

Ton Berthe au bonheur énervant

Publicité
Publicité
Commentaires
Menus aérolithes pour s'assoupir en s'apaisant
Publicité
Publicité